QUAND LA LANGUE INVENTE DE NOUVEAUX MOTS POUR SUIVRE L’ÉVOLUTION DES IDÉES

Le mot SENTIENCE entre dans le Larousse 2020

Par

Astrid Guillaume

fondation-droit-animal.org

Certains le connaissent déjà très bien et l’emploient depuis longtemps, d’autres en découvrent le sens et se demandent encore comment le prononcer, pour d’autres enfin son existence en français est discutable et inutile, le mot sentience a fait couler beaucoup d’encre avant d’entrer dans le Larousse 2020, à croire que les enjeux qui se cachaient derrière ce mot étaient bien plus grands qu’on ne le pense au premier abord.

L’Académie française des Vétérinaires s’était même improvisée linguiste et traductologue pour s’opposer farouchement à l’utilisation de sentient/sentience, par peur que la frontière entre les humains et les animaux ne soient amoindrie et que des dérives dangereuses ne compromettent la supériorité humaine sur les animaux : “Ces termes, s’ils étaient retenus, seraient rapidement utilisés de façon abusive avec un risque certain de servir d’arguments aux tenants de l’égalité entre l’Homme et les animaux, quelle que soit leur espèce, voire par les juristes souhaitant accorder une personnalité aux animaux.” Nous reviendrons dans un autre article pour la revue de la LFDA sur l’historique, les débats en hauts lieux et les enjeux qui se cachent derrière l’utilisation et l’histoire de ce mot d’origine latine, employé en anglais et déjà présent en allemand, espagnol et italien.

Définition

Pour le moment, retenons juste sa définition française telle que présentée dans le Larousse et n’hésitons plus à l’employer sans modération.

Sentience (du lat. sentiens, ressentant) : pour un être vivant, capacité à ressentir les émotions, la douleur, le bien-être, etc. et à percevoir de façon subjective son environnement et ses expériences de vie.

La définition du Larousse est largement inspirée de celle de Donald Broom, professeur en bien-être animal au Centre for Animal Welfare and Anthrozoology de Cambridge, dont l’intervention à l’Unesco lors du Colloque « Le bien-être animal de la science au droit » organisé en décembre 2015 par la LFDA, avait fait date. Pour D. Broom, un être sentient est capable « d’évaluer les actions des autres en relation avec les siennes et de tiers, de se souvenir de ses actions et de leurs conséquences, d’en évaluer les risques et les bénéfices, de ressentir des sentiments, d’avoir un degré variable de conscience ». Un être sentient ressent la douleur, le plaisir et diverses émotions. Il a la capacité d’éprouver des choses subjectivement et d’avoir des expériences vécues. Un être sentient est un être conscient. L’éthique animale part du constat que la sentience implique a minima la capacité d’éprouver douleur et plaisir. La sentience fait que ce qui arrive à un être sentient lui importe.

Combler un vide traductologique

Dans son intervention à l’Unesco, Donald Broom était catégorique : « Je crois que c’est très important que “sentience” ne soit pas traduit par “sensible”. J’espère qu’il y a beaucoup de Français qui comprennent ceci. » L’entrée du mot sentience dans le Larousse est donc une première étape cruciale pour la reconnaissance d’un éventail plus fin de types de ressentis chez les diverses espèces animales. Les étapes suivantes seront essentielles pour la reconnaissance du bien-être des animaux, pour la bientraitance* et pour le respect avec lequel nous devons les considérer. Il s’agira de bien comprendre ce mot pour l’utiliser naturellement et de manière appropriée. Il s’agira surtout de l’employer systématiquement en lieu et place de sensible/sensibilité lorsqu’il faudra le traduire en français depuis l’anglais. En effet, la grande polysémie des mots sensible/sensibilité en français génère à la traduction un flou bien peu artistique et peu adapté surtout quand il s’agit de traduire des textes juridiques.

Sentience versus sensibilité

L’introduction dans le Larousse du mot sentience, de surcroît avec cette définition qui va au-delà du mot sensibilité, est donc une très bonne nouvelle pour les linguistes qui se réjouissent toujours de voir la langue française s’enrichir de nouveaux termes aussi précisément définis, mais aussi et surtout pour tous les êtres sentients, dont les émotions et la conscience étaient masquées, diminuées, voire niées en français par le mot sensibilité, trop polysémique et trop souvent utilisé sans ses nuances sémantiques pour traduire le mot sentience depuis l’anglais.

Les mots vivent, se définissent et se redéfinissent sans cesse, c’est bien là le propre de leur histoire, ils voyagent et se traduisent dans toutes les langues du monde : employer le mot juste et traduire précisément les textes en lien avec la bientraitance des animaux, c’est assurer un avenir meilleur à tous les animaux dans tous les domaines de la société où les humains interagissent avec eux dans le respect de leur sensibilité pour les uns et de leur sentience pour les autres.

Bienvenue au mot sentience dans la langue française !

Astrid Guillaume

* A. Guillaume « Le poids des mots/maux autour de la sentience animale: différences sémantique et traductologique entre bien-être et bientraitance », in Le bien-être animal : de la science au droit, L’Harmattan, 2018, pp. 69-80.

Article publié dans le numéro 102 de la revue Droit Animal, Éthique & Sciences

Publicité

RÉVOLTE D’ÉLEVEUR (Suite de la suite)

Décidément, l’article de Yves Abate a suscité des commentaires. Je m’en réjouis fort. Après Claire Chevalier c’est au tour de Jean-Luc Aubruchet de s’exprimer sur le sujet. Non sans humour il propose une solution idéale qui serait de créer une super association qui s’appellerait la SCAF !!!

Ne manquez pas de lire son commentaire en cliquant sur le lien « Commentaire » à gauche de l’article écrit par Yves. Et merci encore pour votre participation.

Guy

RÉVOLTE D’ÉLEVEUR (Suite)

L’article de Yves Abate publié le 16 avril dernier a fait l’objet d’un commentaire de Claire Chevalier qui permet de mieux comprendre les intentions des pétitionnaires. Surtout n’omettez pas de lire ce message en cliquant sur le terme « Commentaire » à gauche de l’article cité.

Merci à Claire pour ces précisions extrêmement importantes. Et que personne n’hésite à faire part, sous forme d’un commentaire ou d’un article, de son point de vue personnel sur ce sujet ou sur toute autre question lui tenant à cœur.

Bonne lecture.

Guy

RÉVOLTE D’ÉLEVEUR

A propos des expositions d’animaux.

Chers lecteurs, Il y a 10 jours je recevais ce courriel d’Yves Abate. Hélas, je ne l’ai pas vu immédiatement et mes occupations ne m’ont pas permis de m’en occuper très vite. Je pense cependant que nous sommes tous concernés par le sujet et que nous serons nombreux à partager le sentiment de révolte qu’exprime Yves. Que pouvons-nous faire ? La moindre des choses serait d’en parler entre nous afin de dégager des pistes de réflexion susceptibles de déboucher sur des pistes d’action.

Bonjour Guy, je suis toujours là !

Je te joins une pétition à signer, pétition que je viens de recevoir et  qui m’a révolté : « Non aux expositions d’animaux en ville », et cette pétition a déjà récolté 25 000 signatures !

Je pense que les présidents de clubs avicoles devraient réagir car notre monde est en train de changer. L’EAE a disparu, je vois, d’après le compte-rendu de leur AG, que le Club Avicole du Gâtinais est en difficulté de gouvernance et bien d’autres associations ont des difficultés. Bien sûr que la pandémie du Covid et l’Influenza aviaire n’ont rien arrangé !

Je trouve que de nombreux jeunes deviennent de moins en moins tolérants. Il n’y a qu’à voir la montée de la violence dans le monde entier !

Des groupes minoritaires, activés par les réseaux sociaux, exposent leurs idées et veulent imposer leurs croyances par des pétitions et par des pressions médiatiques.

Ce qu’on appelle nos « libertés » sont en train de diminuer sur tous les plans.

Bien sûr que ce repli sur soi et cette intolérance vis à vis des autres êtres vivants entraine une réaction de mécontentement. Les premiers touchés sont les animaux et nous prenons conscience qu’il faut arrêter certains abus.(élevages intensifs disproportionnés, chasses traditionnelles d’espèces en voie de disparition, souffrance animale dans les abattoirs et dans les corridas et bien d’autres choses qui ne devraient plus exister au 21e siècle).

Les foires agricoles et les expositions avicoles permettent d’améliorer une sélection des animaux domestiques suivant certains critères. Elles permettent également de faire découvrir les animaux domestiques aux jeunes des villes qui ont de moins en moins de contact avec la nature.

Il est certain que notre hobby d’éleveur amateur sélectionneur n’est pas partagé par tous et qu’il est actuellement menacé par des minorités qui mettent en avant de fausses idées. Et les personnes non concernées ou non au courant sont prêtes à signer une pétition et à soutenir ces idées en pensant agir pour la bonne cause.

Voilà le danger de ces pétitions adressées à des non-spécialistes des sujets exposés.

Bien amicalement.

Yves

Et voici le document en question : cliquez sur le lien ci-dessous.

ÉCOLOGIE

Yves Abate nous fait le plaisir de partager les références d’un ouvrage traitant d’un thème de grande actualité. La présentation qui en est faite m’a paru de nature à intéresser nombre d’entre nous. Je n’ai pas lu cet essai (pas encore) mais ai éprouvé le besoin d’éclairer un peu le sens du mot ÉCOLOGIE. Puissent ces quelques lignes aider à clarifier les chose !

ÉCOLOGIE

Qui, parmi les plus anciens d’entre nous, ceux qui sont nés au vingtième siècle et, a fortiori, fin de la première moitié et tout début de la seconde moitié, a entendu parler d’écologie dans sa jeunesse ?

Pour ma part je vis le jour en 1945 et ai vécu bien des années sans soupçonner l’existence de ce vocable. Aujourd’hui j’ai l’impression que le raccourci « écolo » ainsi que tous les substantifs construits sur cette base font partie des termes dont l’indice de fréquence d’emploi est parmi les plus élevés.

Alors de quoi parle-t-on ? Il est nécessaire de tenter d’y voir un peu clair car nous nous trouvons souvent entraînés dans des débats passionnés.

Le mot « écologie » est formé à partir de deux racines issues du Grec ancien. La première, « éco » pour « oïkos » signifie « maison » et la seconde, toujours issue du Grec ancien, « logos » signifie « discours », « étude ».

L’écologie serait donc l’étude, la science de ce qui concerne la « maison » au sens large c’est-à-dire notre environnement. Environnement naturel devenant de moins en moins naturel et posant à l’humain des problèmes dont on peut penser qu’ils résultent de sa propre action sur la planète.

Pour les curieux je ne puis m’empêcher de rapprocher les deux mots : écologie et économie. Ils ont le même préfixe. L’économie, littéralement, c’est l’administration, la gestion de la maison. C’est-à-dire l’art de réduire la dépense en tirant parti des moindres ressources pour obtenir le meilleur rendement.

En résumé l’écologie est la « science qui étudie les relations entre les êtres vivants et le milieu organique ou inorganique dans lequel ils vivent », mais elle désigne aussi et surtout un mouvement dont les idées prennent leurs sources dans la recherche de l’équilibre et, donc, de «la « gestion durable » des milieux naturels. Certains penseurs et précurseurs de l’écologie, tel le naturaliste Carl von Linné, ont pu parler d’économie de la nature. De nos jours, des écologues -écologistes scientifiques- peuvent traiter d’économie écologique.

Justement : écologue ou écologiste ? On peut se poser la question de ce genre de forme à propos de nombreux mots. Ophtalmologue ou ophtalmologiste ? Pourquoi cardiologue et non cardiologiste ? A partir de quelques recherches livresques je peux formuler les remarques qui suivent.

Le suffixe « -logiste » est lui-même composé de « log » (relatif au discours, à l’étude) complété de « -iste » désignant des personnes partisanes d’une doctrine ou d’un courant (créationnistes, socialiste, capitaliste, impressionniste…) ou bien l’agent d’une action (violoniste, oculiste…). Le suffixe « -logue » serait plus récent que le suffixe « -logiste ». La présence de l’un ou l’autre de ces suffixes pourrait témoigner de la date de formation du nom. « -logiste » pourrait marquer une origine antérieure au XVII° siècle et « -logue » une origine ne remontant qu’au XIX° siècle. Mais rien n’est vraiment tranché en la matière. Et ce d’autant moins que co-existent parfois les deux formes sans qu’on puisse expliciter toujours les nuances de sens. (Ophtalmologue et ophtalmologiste).

Revenons à l’écologie. Vous comprendrez pourquoi je me méfie des écologistes alors que je revendique haut et fort le droit (dont je fais même un devoir) d’être un écologue.

Guy

Les nouveaux prédateurs

Un essai engagé qui met en évidence les dérives de l’écologie radicale et des militants antispécistes.

Protéger les animaux, leur assurer des conditions de vie décentes, consommer autrement en respectant notre environnement… Qui serait en désaccord avec ces principes fondamentaux ? Mais, on le sait, l’enfer est souvent pavé de bonnes intentions.
Aujourd’hui, les activistes antispécistes et les militants écologistes les plus radicaux détournent ces idées partagées par le plus grand nombre. Animés par une idéologie radicale, convaincus que l’intimidation peut remplacer l’échange démocratique, ils imposent, peu à peu, leur vision du  » meilleur des mondes  » : une société dans laquelle l’homme et l’animal seraient égaux en droits. Cette rupture philosophique ne peut être que dramatique, pour les humains mais aussi et surtout pour les animaux dont l’existence dépend en grande partie de nous.

Avec cet essai passionné, Charles-Henri Bachelier, spécialiste du monde rural et directeur de revues consacrées à la chasse et la nature, veut rétablir le débat et sortir des anathèmes. Argument contre argument, il met en lumière les limites et les dérives de la mouvance animaliste. Au fil des pages, il rappelle que la relation entre l’homme et l’animal est plus complexe qu’une accumulation de bons sentiments ou de slogans menaçants : il s’agit d’un lien fondamental, reposant sur des siècles de compréhension, de savoir-faire… bref, de civilisation. Un héritage que ce livre nous aide à mieux comprendre et à protéger.